Yuga Labs abandonne officiellement les droits de propriété intellectuelle des CryptoPunks. Le communiqué, discret mais ferme, annonce une bascule vers une gouvernance communautaire complète.
Les NFT CryptoPunks tombent dans le domaine public
Tous les fichiers image et les métadonnées passent sous la licence CC0. En clair : plus personne ne détient les droits exclusifs. N’importe qui peut désormais utiliser, reproduire ou même monétiser les CryptoPunks.
Cette décision suscite l’étonnement. Yuga Labs, qui avait racheté CryptoPunks à Larva Labs en 2022, assurait vouloir “préserver l’héritage culturel” de la collection. Trois ans plus tard, l’entreprise renonce à tout contrôle. Pourquoi ?
Décentralisation ou repli stratégique
Officiellement, Yuga Labs parle d’un “acte de libération artistique”. L’entreprise se dit alignée avec les principes du Web3, prônant une culture ouverte et partagée. Mais cette posture semble stratégique.
Les ventes de NFTs ont chuté de plus de 80 % depuis leur sommet en 2021. CryptoPunks, bien que toujours iconiques, souffrent d’une perte de vitesse sur les places de marché. À cela s’ajoute une baisse d’intérêt institutionnel et une crise de confiance liée aux multiples scandales dans l’écosystème crypto.
CryptoPunks NFT sans maître ni brevet
Yuga Labs veut peut-être simplement couper les ponts. En transférant la propriété au domaine public, elle se déleste aussi de toute responsabilité future. Juridique, financière, voire réputationnelle.
Un précédent qui rebat les cartes
Ce mouvement pourrait avoir un effet domino. D’autres collections NFT pourraient suivre. On pense à Art Blocks, World of Women ou même certains projets musicaux sur Ethereum. La question est désormais la suivante : l’avenir des NFT passe-t-il par l’abandon des droits exclusifs ?
Voir aussi – Droit d’auteur : Qui est le réel propriétaire d’un NFT ?
Avec CC0, l’œuvre devient une matière première numérique. Elle peut être remixée, détournée, revendue sans autorisation. Cela renforce sa visibilité mais dilue son unicité. Les collectionneurs historiques risquent d’y voir une perte de valeur. Les spéculateurs, eux, fuient déjà.
Mais pour certains artistes, c’est une chance. Des studios indépendants peuvent désormais intégrer les CryptoPunks à des jeux, clips, objets physiques. L’image devient virale, mémétique, sans contraintes juridiques. Reste à voir si cela relancera l’intérêt global ou si cela précipitera l’oubli.
CryptoPunks, la fin d’un modèle NFT fermé
Le modèle économique des NFT s’effondre. Les royalties automatiques sur les reventes sont contournées, les places de marché ne les appliquent plus. Les créateurs n’ont plus d’incitation financière à conserver leurs droits. D’où la tentation d’un modèle plus radical : tout abandonner, tout ouvrir.
En adoptant CC0, Yuga Labs pivote vers une stratégie d’image. L’entreprise garde la main sur Bored Ape Yacht Club, Otherside, et son écosystème technologique. Elle sacrifie les CryptoPunks, tout en se positionnant comme pionnière de la décentralisation. L’effet est ambivalent : coup de génie ou aveu d’échec, selon l’angle d’analyse.
Vers une mémoire numérique collective
À long terme, cette décision pourrait transformer la nature même de la propriété numérique. Si les NFT ne garantissent plus l’exclusivité, leur valeur devient symbolique, communautaire, narrative. Cela pourrait rapprocher leur statut de celui des mèmes, des graffitis ou des œuvres open source.
Certains observateurs y voient l’émergence d’une nouvelle forme de patrimoine numérique collectif. Sans droits. Sans barrières. Mais aussi sans protection. Les CryptoPunks deviennent une langue visuelle libre, accessible à tous, exploitée par chacun.